J'ai conduit la Mirai, la Toyota à hydrogène
Il y a peu d'autos dont on puisse dire qu'elles ouvrent une nouvelle ère, mais la Mirai est de celles-là. La première vraie voiture à hydrogène de série régulière. Nous avions eu l'opportunité d'essayer une Mercedes F-Cell en septembre 2003, mais ce n'était encore qu'un prototype. Il y a eu depuis lors la Honda FCX Clarity, mais Honda n'en a fait qu'une poignée, tandis que la Hyundai ix35 Fuel Cell, déjà commercialisée dans quelques pays, a été bâtie sur la base d'une essence. La Toyota Mirai par contre, a été conçue dès le départ pour recevoir un groupe propulseur à hydrogène, et rien d'autre. L'usine d'Aichi en fabrique déjà plus de 2 par jour, et la production doit augmenter prochainement.
Nous avons affaire à une berline 4 portes, avec une très conventionnelle carrosserie à 3 volumes. Les dimensions sont peu ou prou celles d'une Peugeot 508. 4,89 m de long pour 1,81 m de large, avec une hauteur de 1,53 m. Chose rare et appréciable à une époque où les lois universelles de l'aérodynamisme font que les autos tendent à se ressembler, la Mirai possède une face avant très originale. Le risque est évidemment qu'elle ne plaise à tous, mais le résultat nous semble plus attrayant que la Prius 1 de 1997. La Prius, référence immanquable, d'abord parce que la face avant est très proche de celle de la
Prius 4, mais aussi parce que la planche de bord est de même style. La Mirai est cependant clairement plus haut de gamme à l'intérieur. Finition, équipement, mais aussi matériaux. Tout est plus beau, les plastiques comme le cuir des sièges.
La Mirai est une stricte 4 places. Il aurait sans doute été possible de faire pour que la banquette arrière accueille 3 passagers, mais la bosse du tunnel central est bien haute. C'était alors sans doute le bon choix que de privilégier le confort pour 2 personnes, avec un large accoudoir central fixe. Le coffre est plus grand, et ses formes sont plus pratiques que celles d'une Ford Mondeo hybride, mais la Mirai ne sait cacher là qu'elle est différente des autres autos. Le volume disponible doit être quelques 20 % inférieur à celui d'une 508, ou d'une Passat. Sinon, la trappe du réservoir est la même que sur une voiture à essence, et il n'y a aucun signe pour révéler que l'auto roule à l'hydrogène. Ce gaz va dans une pile à combustible (PAC, ci-dessus), pile comme pile électrique, mais à combustible, c'est dire qu'au lieu qu'il faille la recharger, une opération longue et fastidieuse, on remet du combustible : c'est de l'hydrogène. La PAC transforme ce gaz en un courant électrique, et on peut alors considérer la Mirai comme une sorte très spéciale de voiture électrique. La différence étant qu'on fait un plein de gaz sous pression en 3/4 minutes, exactement comme on fait un plein d'essence, et que l'autonomie est de 500 km. C'est donc une voiture électrique, mais sans les inconvénients habituels de cette motorisation.
La Mirai est de plus une voiture hybride. Il serait possible de faire une voiture avec une pile à combustible (PAC) qui ne le soit pas, sans batterie tampon, avec le courant produit par la PAC envoyé directement à un moteur électrique, mais pour obtenir le meilleur rendement, les ingénieurs Toyota ont repris le système
Hybrid Synergy Drive qui leur est si cher (et à leurs nombreux clients). La propulsion est donc électrique, alimentée par une batterie NiMH de 1,6 kWh, la même qu'emploie la Camry hybride, et en bout, là où on trouve un moteur à essence accouplé à un générateur sur un hybride thermique, on a ici une PAC. Mais si la technologie est toute différente, le fonctionnement est presque identique. Quand on roule, on a au tableau de bord un diagramme comme sur une Prius, et selon les besoins, la PAC marche ou ne marche pas, et le courant électrique qu'elle produit recharge la batterie, ou est dirigé vers le moteur électrique de propulsion. Il y a bien sûr récupération de l'énergie perdue au freinage. La seule règle, comme sur une Prius, est qu'il ne faut pas chercher à contrôler le système. Le logiciel qui pilote le tout est plus intelligent que n'importe quel conducteur.
Mon essai a été très court. J'ai été passager un quart d'heure, conducteur le quart d'heure suivant, et à nouveau passager. L'ambiance de bord rappellant beaucoup la Prius, je ne suis pas dépaysé, mais je constate vite que cette Mirai est considérablement supérieure à une Prius. En faisant très attention, on peut déceler le démarrage du 4 cylindres sur une Prius, c'est beaucoup plus difficile avec la PAC de la Mirai. Le seul signal est le petit bruit du compresseur d'air. Autre supériorité, l'absence de transmission à variation continue. C'est un gros défaut de la Prius, si on accélère fort, la CVT pousse le moteur à son régime maxi, et il y reste, en moulinant bruyamment. Rien de cela avec la PAC. Le courant fourni peut varier. Il peut être de 20 kW, de 80 kW, mais il n'y a aucun signe de stress quelque soit la position de l'accélérateur.
La prise en mains s'étant essentiellement déroulé sur circuit, on ne s'est pas privé d'appuyer sur la pédale de droite, mais... C'était une erreur. En dépit d'une excellente répartition des masses d'un centre de gravité bas, et d'une excellente stabilité, la Mirai n'a rien d'une sportive. Le 0 à 100 km/h demande 9 secondes d'après le constructeur. C'est mieux qu'une Prius, et c'est même très convenable, mais cela n'a rien d'excitant. Le comportement routier idem. La caisse parait très rigide, mais les suspensions sont souples, et le confort est privilégié. Sur le circuit, on a même vite atteint les limites d'adhérence. On verra plutôt la Mirai comme une voiture de sénateur. Une super Prius, plus puissante, encore plus douce, plus silencieuse et plus luxueuse. A ma dernière minute dans l'auto, je me surprend même à apprécier la tableau de bord. Il avait un petit côté
has been lors de
la présentation, mais non, il est bien. Simplement plus pensé pour un conducteur de 50 ans, que pour un jeune de 20 ans qui ne regardera que la largeur de l'écran central, et où brancher son smartphone.
Il n'y a aucun doute, le produit est convaincant. Il reste que la Mirai a 2 défauts graves. Le premier est que si l'autonomie de 500 km est réjouissante, il y a bien peu de français qui ont une station d'hydrogène dans un rayon de 250 km autour de leur domicile. Un corridor de l'hydrogène existe déjà en Allemagne, qui est d'ailleurs en cours de prolongement vers l'Est de l'Italie, et il y a des projets à Bruxelles et Paris, mais on en est encore au stade des balbutiements (
MoteurNature donne et donnera l'actualité des stations d'hydrogène quand il y en a qui ouvrent...). Les danois n'ont pas ce souci. Ils ont des stations, et ils bénéficient aussi d'un régime fiscal qui avantage l'hydrogène, en mettant la Mirai au même prix qu'une Audi A3. Parce que c'est le second défaut. Dans la plupart des autres pays, la Mirai est au même prix qu'une Lexus GS450h (dans les 78 000 €). On ne peut masquer le fait que la Lexus soit plus amusante à conduire. Il faut donc être intellectuel. La Mirai est supérieure parce qu'elle ne pollue absolument pas. Sa seule émission est de la vapeur d'eau, et les quantités rejetées sont totalement insignifiantes. C'est la voiture électrique sans aucune restriction d'usage, et c'est une Toyota. Avec une batterie NiMH qui semble dépassée à l'heure de la domination du lithium-ion sous le leadership de Tesla, mais on peut rappeler qu'il y a déjà des Tesla de 5 ans sur lesquelles il a fallu changer la batterie. Alors que si on regarde une Prius d'il y a 10 ou 15 ans, il est très rare qu'il ait fallu changer quelque chose.
Laurent J. Masson
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