Bornes de recharge : le gouvernement fait encore du bête quantitatif
Sam 17/05/2025 — Le qualitatif, c'est pour quand ?
Un peu au nord d'Aix en Provence, sur l'autoroute de Lyon, il y a une station Avia où se trouve 20 bornes de recharge Ionity. C'est une station, mais on donne plutôt le chiffre de 20 bornes. C'est une différence avec les stations essence, où personne ne compte le nombre de pompes. En déplacement à L'Hay-les-Roses, Éric Lombard (ministre de l'économie) et Marc Ferracci (ministre de l'industrie et de l'énergie), sont allé à la rencontre du PDG de Carrefour, sur le parking d'un hypermarché où étaient installées des bornes de recharge haute puissance. Ils y ont présenté les objectifs de la France.Il y a aujourd'hui plus de 168.000 bornes de recharge publiques dans l'hexagone (toutes puissances confondues), et les ministres ont aussi donné le nombre de bornes de recharge non accessibles au public, ce qui n'est pas très pertinent comme information. On aurait préféré qu'ils donnent le nombre de stations de recharge rapide, ou le simple nombre de stations, mais ni l'un ni l'autre ne l'a dit. C'est le nombre de bornes qui importe, et le gouvernement a tiré de son chapeau, l'objectif d'avoir 400.000 bornes de recharge en France, d'ici 2030. C'est du grand n'importe quoi. D'où sort ce chiffre ? Pour aider vraiment au développement de la mobilité électrique, il aurait plutôt fallu fixer un objectif qualitatif, genre que personne sur le territoire français ne soit à plus de 40 km d'une station de recharge disposant d'au moins 4 bornes d'une puissance minimale de 100 kW...
Le gouvernement nous montre ensuite son côté technocratique en indiquant qu'il va engager une réflexion pour disposer d’un simulateur de calcul préalable du coût de la recharge. Soit le truc qui n'aurait aucun sens pour les voitures essence, puisqu'à l'entrée des stations service, il y a un grand panneau de 2 mètres qui indique le prix du carburant au litre. Carrefour, Engie, Fastned et Total donnent déjà le prix du kWh dans leurs stations, pourqoi toutes ne le font pas ? C'est désagréable de souvent devoir sortir son smartphone, flasher le QR-code, et se connecter pour savoir le prix de l'électricité. Quand toutes les bornes modernes sont connectées et ont un écran digital, les informations tarifaires devraient toujours être affichées.
On dira, non sans raison, que c'est compliqué, puisque certaines bornes facturent au kWh, et d'autres au temps (à la minute). Pour simplifier, le législateur pourrait imposer le paiement au kWh, c'est quand même le plus logique. Il l'a bien imposé pour le gaz, alors que la logique était le kg ou le mètre-cube... Une complexité supplémentaire est dans la forte variabilité du prix de l'électricité, surtout en milieu de journée pendant la belle saison. L'abondance de l'électricité solaire fait alors baisser rapidement les prix. C'est à ces moments qu'il faut recharger, et les fournisseurs d'électricité devront alors copier les supermarchés qui savent très bien attirer les clients en annonçant des promotions.
Le gouvernement souhaite aussi améliorer la rapidité d'installation des bornes de recharge dans les copropriétés, et là, pour une fois, il fixe un objectif qualitatif, mais c'est hélas seulement au conditionnel. Toute personne devrait pouvoir disposer d’une borne de recharge moins de 6 mois après la décision de sa copropriété. Il y aura un plan d'action d'ici la fin de l'année. A suivre.
Le gouvernement enfin, songe au potentiel formidable de la recharge bidirectionnelle. C'est dire que quand les voitures sont branchées, elles pourraient aussi donner de l'énergie au réseau en cas de défaillance. Il dit qu'en 2035, les batteries des véhicules électriques légers en circulation vont représenter une capacité de stockage cumulée de l’ordre de 1200 GWh. Cela nous semble extrêmement optimiste. Ce chiffre représenterait en effet 16 millions de voitures disposant d'une batterie d'une capacité utile de 75 kWh. On aura cela en France, dans 10 ans ? Il faut pondérer. Combien de voitures seront-elles branchées à un moment donné, et combien de propriétaires de ces autos accepteront de partager l'énergie stockée dans leur auto ? Pour quel gain ?
Voilà donc ce que propose le gouvernement, et on s'étonne qu'il n'évoque aucunement la notion de paiement, parce que franchement, si toutes les bornes de recharge étaient dotées d'un lecteur de cartes de paiement sans contact, comme on en voit maintenant dans des autobus pour acheter un ticket à 1,80 €, ce serait un immense pas en avant.
Laurent J. Masson
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