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Heuliez, l'heure de vérité approche

Jeu 01/04/2010   —   Maintenant que les élections sont passées, les faux espoirs vont céder la place à la réalité.
Heuliez MiaHeuliez était déjà passé à 2 doigts de la liquidation en 2008. Sauvé in extremis par le groupe indien Argentum Motors, Heuliez n'a pu éviter une procédure de redressement judiciaire en 2009, après que les indiens se soient rendu compte que l'affaire n'allait pas se révéler intéressante pour eux. Les quelques repreneurs potentiels qui prennent le temps d'étudier le dossier l'abandonnent rapidement, et il n'y qu'un unique candidat à la reprise en 2009, BKC. Sous la pression de nombreux élus, et tout particulièrement de l'éxécutif de la région, le tribunal de commerce choisit de lui faire confiance pour éviter la liquidation. Mais quand on se rend compte que ce repreneur n'est pas à la hauteur des espoirs qu'on lui avait prêté, on ne pense encore qu'à trouver quelqu'un d'autre.

C'est un investisseur turc inconnu (en France) qui répond à cet appel, suscitant immédiatement l'enthousiasme des politiques. M Estrosi s'est déclaré « confiant » (Le nouvel Obs), et Mme Royal « très satisfaite » (Le Figaro). Il n'y avait pas de quoi, puisque M. Manas, qui n'a fait connaitre le détail de sa réponse qu'hier (c'était le dernier délai), ne propose de reprendre que 15 % d'Heuliez. Nous comprenons investir au minimum, pendant qu'il prendrait au maximum (plans de conception, procédés, savoir faire, machines ?) pour rapidement développer la production d'autres modèles en Turquie, des autres modèles qui porteraient le même nom de marque que ceux développés en France, pour bénéficier de leur aura positive. Il est malin M. Manas.

Heuliez MiaM. Estrosi a jugé cette proposition « insuffisante », tout le monde est bien d'accord là-dessus. Mme Royal appelle alors à la venue « d'industriels dynamiques » (Sud Ouest). Il serait pourtant bien temps de dire la vérité aux salariés : s'il devait y avoir un richissime investisseur pour croire au projet de la petite Heuliez Mia, croire en son succès commercial, et croire en sa rentabilité, il a déjà eu 1000 fois l'opportunité de venir : il serait déjà venu s'il existait. M. Queveau, l'ancien patron d'Heuliez, avait parcouru toute la planète en 2008 et 2009 pour trouver de nouveaux partenaires. Plus personne ne viendra. Il n'y aura pas de sauveur. C'est même stupide de croire en un sauveur !

M. Estrosi et Mme Royal parlent et agissent comme s'ils ignoraient un fait essentiel, qui est que partout en Europe de l'Ouest, la production en petite série (moins de 1000 voitures par mois) de voitures grand public à prix modéré (moins de 20 000 euros) n'existe plus. Elle est arrêtée. C'est fini. La Heuliez Mia rentre dans ce cadre. Au salon de Genève, elle était à 15 mètres de la Suzuki Alto (ci-dessous). 100 fois plus sophistiquée, mieux construite, mieux finie et plus performante, la Suzuki est fabriquée en très grande série en Inde, par des ouvriers payés 10 fois moins cher qu'en France. Elle se vend à la moitié du prix attendu pour la Heuliez Mia.

Suzuki AltoIls feront quoi chez Heuliez, quand Suzuki se mettra à faire des électriques ? Les constructeurs indiens Reva et Tata ont déjà annoncé des projets de vendre des petits véhicules électriques en Europe, exactement sur le même segment que la Mia, et les chinois sont derrière. Karmann en Allemagne, avait exactement les mêmes activités qu'Heuliez, il n'existe plus. Bertone en Italie, non plus (il ne subsiste plus que le studio de design). Ils ont tous deux été victmes de la globalisation et du libre échange. Si quelqu'un est à blamer, ce sont les politiciens qui ont fait croire, et qui continuent à faire croire (!), qu'Heuliez pourrait réussir là où les autres ont échoué. M. Manas ne les croit pas, il a très bien compris la situation. Il ne propose d'investir que le minimum pour lui donner accès à ce dont il a besoin pour ses projets en Turquie. Qu'importe ensuite de ce qu'il advienne du site de Cerizay, il ne se sera pas beaucoup mouillé.

Heureusement, tout n'est pas perdu. La partie d'Heuliez qui agit comme équipementier devrait pouvoir être sauvée. Mais si un homme politique, ou une femme politique, évoque l'idée d'un possible succès d'une petite voiture électrique Heuliez, qu'il (qu'elle) n'oublie pas d'ajouter la condition sine qua non de ce succès : le rétablissement de frontières avec des lourdes taxes, pour les importations de voitures en provenance d'Asie ou d'Europe de l'Est.

Laurent J. Masson



Rubrique(s) et mot(s)-clé : Mia-Electrique ; industrie-production