Les électriques chinoises à moitié prix sont en Europe
Lun 24/11/2025 — Les françaises sont foutues en Albanie.
C'est le bout de l'Europe, mais c'est tout de même l'Europe, c'est l'Albanie. Un pays qui change. C'était le pays refuge des vieilles Mercedes, avec les albanais qui prenaient l'avion pour l'Allemagne, et qui revenaient en voiture. Mais aujoud'hui à Tirana (la capitale), on croise de plus en plus de voitures électriques chinoises. Aux mains de particuliers, mais aussi beaucoup de taxis, et même des voitures de police. A MoteurNature, on a décidé de regarder cela de près. En commençant par le concessionnaire d'une marque française pour situer le marché. Citroën !
La Citroën ë-C4 est proposée en Albanie à 38 220 €, ce qui est proche du prix français sans aide, et il aura suffit de parler 2 minutes au concessionnaire pour comprendre que ce tarif était négociable. Direction BYD, le leader mondial de la voiture électrique. Le plus proche garage BYD est justement à 300 mètres. Il y a 6 autos devant le garage, mais jeudi 20 novembre à 15h, il n'y a personne. Tout est fermé. Un peu plus loin, devant un cinéma, il y a 4 voitures électriques derrière une barrière, avec des affiches sur le parebrise. Personne à l'horizon, mais après avoir pris quelques photos, un homme venu d'on ne sait où, arrive pour expliquer que toute la gamme BYD est dans le parking souterrain juste derrière. On y cherche l'auto qui serait la plus proche de la Citroën ë-C4 vue juste avant, et c'est la BYD Qin.
Ou une voiture jamais vue dans l'union européenne. Cette auto n'y a pas transité. Elle a été importée directement de Chine. Un peu plus grosse que la Citroën, elle est aussi plus puissante (204 ch), avec une plus grosse batterie. Son sticker chinois sur le parebrise indique une autonomie CLTC de 510 km. Il faut bien enlever 25 % pour arriver à l'autonomie WLTP équivalente. Mais cela reste assurément supérieure à l'autonomie réelle de la Citroën.
A l'intérieur, cette BYD Qin est nettement mieux équipée, avec une fonctionnalité de conduite autonome, et un grand écran central. Les menus n'y sont pas en albanais, mais en anglais. Il y a des plastiques pas trop beaux en bas de la planche de bord, mais avec une livrée bicolore, l'ensenble fait quand même bonne impression.
Quel choc alors quand on voit que cette BYD Qin est moitié moins chère que la Citroën à 18 900 €. On savait que les électriques étaient moins chères en Chine, mais c'est de l'autre côté de la planète. Alors que Tirana, c'est à 150 km de la côte italienne, et à 2 heures d'avion de Paris. Donald Trump taxe à 100 % les chinoises électriques, il faut que l'union européenne fasse de même. C'est une question de vie et de mort pour l'industrie auto. On peut demander aux constructeurs européens de faire des efforts de productivité, mais ils ne parviendront jamais à baisser leurs coûts de production de plus de moitié, pour être compétitifs face aux chinois, qui travaillent souvent 48 heures par semaine, pour moins de 1000 € par mois.
A côté de cette BYD Qin, une Seagull 2025 405 Flying Smart Drive Edition (Dolphin Surf en France) est affichée à 14 000 €, et une Yuan Plus 2025 510 Top Intelligent Driving (Atto 3 en France) est à 22 000 € (elle vaut 34 590 € en France). Les marques européennes pourraient presque arrêter de vendre des électriques en Albanie, sauf que ces autos BYD y sont vendues sans aucune garantie constructeur. BYD en effet, ne vend pas de voitures en Albanie. Il y a plusieurs importateur indépendants, des entrepreneurs albanais, qui vendent des BYD, mais ils n'offrent que des garanties de distributeurs (3 ans ou 150 000 km). Et ils se font concurrence, la garantie de l'un ne vaut rien chez l'autre. On pensera aussi que ce sont de petits distributeurs, alors que sur ces autos bourrées d'électronique, il faut des outils de diagnostic sophistiqués, sans quoi on ne peut rien faire. Les pièces détachées pourraient aussi être un problème, mais on nous a assuré que cela ne prenait que 3 semaines pour faire venir les pièces de Chine.
Un autre souci est que ces autos sont aux spécifications techniques chinoises, qui sont presque toujours inférieures aux européennes. Lors de la présentation de la BYD Atto 2, on nous avait expliqué que la version européenne était plus lourde, parce qu'elle avait des renforts structurels pour bien figurer dans les tests EuroNCAP. Tout aussi grave, la prise de charge au standard chinois GB/T. Illustration ci-dessous, avec les bornes 180 kW de la rue Emin Duraku à Tirana. Les voitures chinoises ne sont pas vendues seules, elles arrivent avec leurs bornes de recharge... Il est possible d'acheter un adaptateur pour brancher les autos sur des bornes au standard européen, mais le revendeur des autos ne le vendait pas (ce qui lui évite d'être responsable s'il y a un problème). Vendu par une société qui ne vend pas de voitures, cet adaptateur vaut plus de 1000 € (il y a plusieurs modèles selon l'auto auquel il est destiné). Car, ce n'est pas un appareil inerte, il y a des données qui passent, et on nous a dit que cela ne fonctionnait pas avec toutes les bornes.
On retiendra qu'il est inutile à un français de penser aller acheter une électrique pas chère en Albanie. Aux normes chinoises, l'auto ne pourrait être homologuée en France, et il y aurait des problèmes pour la recharger. Mais l'info principale est que dans tous les pays du monde où les chinois vendent des voitures électriques, il sera terriblement difficile à un constructeur européen d'être compétitif. Alors soit on garde l'union européenne comme un pré-carré réservé aux productions locales, pour garantir aux industries un certain chiffre d'affaires, soit on est dans la situation peu enviable du garage Citroën de Tirana, à qui on souhaite de vendre beaucoup de C3 Aircross essence.A Tirana.
Laurent J. Masson
Reportage réalisé les 20 et 21 novembre.
Laurent J. Masson
Reportage réalisé les 20 et 21 novembre.
Rubrique(s) et mot(s)-clé : voitures-chinoises ; commerce-distribution ; voiture-electrique