Le rétrofit, ou la conversion des essences à l'électrique - Dossier complet
C'est une idée qui vient d'outre-Atlantique, où modifier, personnaliser son automobile est une large industrie. Le premier objectif était bien sûr d'accroître les performances, mais depuis quelques années, une nouvelle pratique est apparue, la conversion d'anciennes à la propulsion électrique. Fait inhabituel, et aussi inattendu, les constructeurs s'y sont mis aussi, avec
Jaguar et même
Aston Martin, qui ont développé des kits pour convertir leurs modèles les plus emblématiques. Quelques entrepreneurs français se sont aussi essayé au sujet et, avec un peu de lobbying, voire un effet de mode, des députés ont rédigé une
proposition de résolution. L'idée est de simplifier le processus administratif qui doit suivre pour accompagner le changement d'énergie du véhicule.
Ces élus étant du groupe
Les Républicains, on ne sait si cette démarche aura une suite, puisqu'il faudrait pour cela qu'elle soit mise à l'ordre du jour du travail parlementaire, ce qui dépend de la majorité présidentielle... Un autre texte règlementaire est également à l'étude à Bruxelles, à la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), et la date du 13 février a été avancé pour sa validation, mais il y a beaucoup, beaucoup de textes en discussion... On ne rentrera pas ici dans ces questions législatives, mais on présentera le rétrofit dans le détail, avant de rechercher les voitures qui seraient les plus aptes à en bénéficier.
Le rétrofit, une transformation forcément chère
Enlever le moteur essence, le réservoir et le circuit d'alimentation, voilà déjà plusieurs heures de mécanique, sur une voiture simple. Mais si la voiture a l'air conditionné, ce système est entrainé par le moteur thermique. Alors soit on supprime la climatisation, soit on installe un système électrique en partant de rien. Les assistances de direction sont presque toutes électriques aujourd'hui, mais sur les modèles anciens, ces systèmes sont hydrauliques. Ce qui signifie qu'ils sont entrainés par le moteur, et que si on enlève celui-ci, il n'y aura plus d'assistance. La solution est d'ajouter un petit moteur électrique qui entrainera la pompe hydraulique. Et là ATTENTION, ce point est crucial ! Nous avons conduit une voiture ainsi modifiée dont tout l'agrément avait disparu, parce que la direction avait perdu tout ressenti, et présentait un retard horrible à la commande.
Enfin, bien sûr, il reste à ajouter un moteur électrique, une batterie, et toute l'électronique de contrôle, ainsi qu'un chargeur. On pensera aussi à l'instrumentation, puisqu'au tableau de bord, le le compte-tours, la jauge à essence, les témoins de température d'huile ou d'eau n'indiqueront plus rien. Et les associer aux données de la nouvelle propulsion électrique sera un travail de longue haleine. Certains préparateurs l'ignorent d'ailleurs complètement, préférant installer une tablette au tableau de bord...
Et au niveau de la batterie, on rappellera que si les constructeurs parviennent à en acquérir à bon prix, c'est parce qu'ils achètent en très grande quantité. Les artisans qui font, ou feront, du retrofit, ne peuvent bénéficier des mêmes tarifs. Leur solution est le plus souvent de recourir à des cellules chinoises au tarifs abordables, mais la durabilité n'est pas la même... Idem si on réemploie des batteries d'occasion venant de voitures accidentées. On retiendra donc que si on veut du rétrofit pas cher, ce sera nul.
Par rapport au marché
C'est évidemment la première question à se poser. Convertir sa vieille voiture à l'électrique, ou en acheter une neuve ? Parce qu'à
MoteurNature, nous avons essayé la
Seat Mii Electrique, une voiture qui a plus de 200 km d'autonomie, avec une garantie de 8 ans par le plus grand constructeur automobile d'Europe, et qui se vend en France 16 000 € avec le bonus de l'état, nous prenons position en faveur de la voiture neuve. On pensera aussi que Renault et Nissan ont vendu un grand nombre de Zoé et de Leaf en leasing avec contrat de 3 ou 4 ans. Il n'est pas difficile de trouver une électrique d'occasion, entièrement révisée et garantie dans les réseaux de leurs constructeurs. Et cela sans oublier que dans le proche avenir,
Renault lancera en Europe la version électrique de sa Kwid, et qu'elle serait proposée à moins de 15 000 €. Bonus non déduit ! Alors que convertir une essence coûtera plus de 10 000 € et, que les prestations seront inférieures.
Aucune voiture essence convertie n'acceptera par exemple la recharge rapide. Parce que c'est trop difficile à mettre au point. Un petit installateur n'en a tout simplement pas les moyens. L'autonomie ensuite sera très faible. On sait faire des voitures électriques qui ont plusieurs centaines de km d'autonomie, mais c'est avec des batteries de très fortes capacités, d'une intégration extrêmement habile de tous les composants pour ne pas ruiner le coffre, et à la suite d'un énorme, d'un immense travail d'optimisation entre le moteur et la batterie. Et quid du chauffage, de la climatisation, de la regénération de l'énergie perdue au freinage, sur une voiture essence convertie ?
Les voitures inaptes au rétrofit
Au vu des points expliqués ci-dessus, il nous apparait qu'il ne serait pas intéressant de convertir certains modèles à une propulsion électrique. Basiquement, ce sont toutes les petites voitures. Les Citroën C1, les Fiat 500 ou les Renault Twingo. Le coût de la voiture d'occasion additionné à celui de la conversion est tout simplement trop proche de celui d'une voiture neuve, voire même supérieur à celui d'une électrique d'occasion, alors que le véhicule converti sera considérablement inférieur en tout point. Surtout que pour serrer leurs prix, les rétrofitteurs proposent de toutes petites batteries, l'autonomie ne sera que de 100 km, avec des moteurs très peu puissants, éventuellement basse tension, qui feront que les voitures marcheront moins bien qu'avant (lorsqu'elles étaient à l'essence).
Et on évitera de parler de la revente. Parce que si une Nissan Leaf d'occasion trouve vite preneur, une Renault Twingo convertie à l'électrique avec des batteries chinoises, il est probable que ce ne sera pas évident à revendre, au bout de quelques années, quand la norme sera aux électriques avec plus de 500 km d'autonomie... Signalons aussi que ces petits modèles n'ont pas été construit avec un cahier des charges qui demandait une grande longévité. Après 10 ans, le chassis d'une Citroën C1 (ou d'une Peugeot 108, ou d'une Toyota Aygo) sera déjà bien fatigué.
Le cas particulier des voitures de collection
Certains n'hésitent pas à le proposer, Jaguar XK120 ou Rolls Royce Phantom, la
fédération internationale des véhicules anciens (FIVA) a exprimé sa désapprobation, et
MoteurNature suit. Au nom du patrimoine. Parce que dans les futures manifestations de voitures anciennes, il faudra pouvoir montrer que
c'était comme cela que cela marchait. Et pas autrement.
Les voitures les plus aptes au rétrofit
Le choix est large, et il est simple à définir, ce sont toutes les autos qui consomment beaucoup. Elles sont d'ailleurs difficiles à vendre de ce fait. Les vieux Range Rover par exemple. Le Range original ou la génération suivante (P38, de 1994 à 2002), possède un gros chassis sur lequel on peut poser 300 kg de batteries sans arrière pensée. La Mazda RX-8 a toujours souffert de la gourmandise de son moteur rotatif, mais c'est par ailleurs une voiture formidable. Le seul problème est qu'il faudra sacrifier le coffre si on veut lui ajouter des batteries. Il n'y a pas de place ailleurs...
Une Jaguar XJ ensuite, et nous pensons tout particulièrement aux XJ40, donc les berlines Jaguar d'après 1986, sont des voitures très confortables, avec un grand capot sous lequel on doit pouvoir loger moteur et batterie. On peut aussi envisager une Renault Vel Satis, même si sa complexité a de quoi faire peur. Ces 4 modèles se trouvent facilement à moins de 5000 €. Il faudra assurément rajouter 15/25 000 € (voire plus !) pour les convertir valablement à la propulsion électrique, ce qui signifie que l'équation économique n'aura rien de réjouissant, mais c'est le prix à payer pour avoir une électrique unique et sympa.
Conclusion
Il y a incontestablement des opportunités dans le rétrofit, c'est l'occasion de donner une seconde vie à une voiture, mais encore faut-il qu'elle le mérite, et qu'il y ait des automobilistes épris d'originalité (et pas trop sérré côté budget, sauf à tout faire soi-même les week-ends, en 3 mois), pour adhérer au concept. Pour le commun des mortels, il est évident qu'une voiture neuve a bien plus de sens (ou une électrique d'occasion). Quant à l'idée qu'il serait possible de faire naître une activité industrielle autour de la conversion de voitures d'occasion, en transformant des centaines de voitures à la chaine, elle nous parait très peu crédible.
Laurent J. Masson
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